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6 MARS : JOURNÉE EUROPÉENNE DE L’ORTHOPHONIE

En cette journée de l’orthophonie, j’ai eu la chance d’interviewer Caroline, une orthophoniste. À travers toutes les questions que j’ai pu lui poser, vous allez pouvoir en apprendre davantage sur l’orthophonie ainsi que sur son métier d’orthophoniste, ça promet d’être très intéressant. Après tout c’est peut-être grâce à Caroline que vous aurez les réponses à certaines de vos questions!🤔👍😇

Bonjour Caroline, pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours ? Depuis combien de temps exercez-vous ?

Je suis orthophoniste depuis une quinzaine d’années. Actuellement, je travaille dans un SESSAD* de troubles moteurs, troubles d’apprentissages et depuis peu TDAH. Ça fait deux ans et demi que je travaille dans ce SESSAD et avant ça, j’étais orthophoniste libérale dans un cabinet pluridisciplinaire. Il faut savoir que ce n’était pas ma vocation, je suis allé à l’université pour travailler les Lettres modernes, mais je ne voulais pas enseigner alors c’est à ce moment là que j’ai bifurqué sur l’orthophonie. J’ai fait une prépa parce qu’avant, il fallait passer des concours pour rentrer dans les écoles d’orthophonie en France et je me suis également inscrite dans des écoles en Belgique car je n’étais pas sûre. J’ai été prise à plusieurs endroits en Belgique et à l’oral à Bordeaux. J’ai fait le choix d’aller en Belgique car cela me plaisait bien de m’expatrier à ce moment-là de ma vie. Je suis donc partie faire mes études à Liège en Belgique. Lorsque je suis rentrée en France, j’ai dû passer une équivalence pour que mon diplôme Belge soit reconnu et que j’ai le droit d’exercer.

*Les SESSAD sont des Services Médico-Sociaux, constitués d’équipes pluridisciplinaires. Leur action vise à apporter un soutien spécialisé aux enfants et adolescents en situation de handicap.

Ce n’est pas le même diplôme ?

Ce n’est pas le même document, ils vérifient que nous avons bien les bonnes compétences. Ils nous font faire des stages dans certains domaines s’ils jugent que nous n’avons pas fait assez d’heures de cours dans une pathologie.

Pourquoi êtes vous devenue orthophoniste ?

J’ai naturellement un goût pour le langage, j’aime parler, je suis à l’aise. J’ai toujours été bien meilleure en français qu’en maths! Je suis une vraie littéraire, je bouquine beaucoup. J’ai toujours trouvé ça triste les jeunes en difficultés à l’école alors que pour moi ça ne l’était pas tellement. J’avais des parents enseignants peut être que ça a joué lorsque je les entendais parler des difficultés que certains enfants pouvaient avoir.

C’est ce que vous aimez dans votre métier alors ?

Oui! Apporter de l’aide aux autres, c’est très important pour moi.

En bref, l’orthophonie qu’est ce que c’est ?

En bref? C’est dur. C’est un métier paramédical de rééducation, nous sommes là pour aider les patients à acquérir des choses qui ne se sont pas correctement développées (+ chez les enfants) ou des choses qui ne fonctionnent plus bien suite à une pathologie (+ chez les adultes) et lorsqu’on ne peut pas car ça ne marche plus au niveau neurologique, nous sommes là aussi pour proposer des moyens de compensation.

C’est à partir de quel âge que cela ne fonctionne plus ?

Le vieillissement normal où évidemment il y a des choses qui marchent moins bien. En général c’est qu’il y a eu un “souci” comme un AVC, un traumatisme crânien ou une maladie neurodégénérative comme Alzheimer ou Parkinson.

Vous travaillez majoritairement avec des enfants ?

Maintenant oui, il n’y a que des enfants là où je travaille, mais lorsque je travaillais en libéral, je travaillais aussi avec des adultes pour des troubles neurologiques.

Quelle activité préférez-vous faire avec les plus jeunes ?

Jouer! Nous jouons beaucoup avec les enfants, c’est comme ça qu’ils apprennent.

À des jeux de société ?

Oui, mais aussi jouer par terre avec des playmobils, jouer à la “patouille”, tout dépend de l’âge mais c’est très varié.

Est-ce que c’est pareil avec les adultes ?

Non, avec les adultes c’est différent, on est plutôt assis au bureau, on parle beaucoup, on a essentiellement des supports papiers, parfois même informatique mais moins.

J’ai une question qui me vient en tête, c’est quoi une séance type avec un enfant ?

L’accueil est très important, plus ils sont petits, plus ça l’est, il faut se séparer de maman et papa, quand on les prend seul. Ensuite, moi je fais un petit retour sur ce qu’on a fait la séance d’avant. Plus ils sont jeunes, plus leurs capacités d’attention sont limitées, alors on réalise généralement deux activités différentes, voire trois ou quatre.

Combien de temps dure une séance ?

En libéral, la durée est imposée, c’est 30 ou 45 min selon les pathologies.

Est ce que c’est la bonne durée ? Ce n’est pas trop court ?

Non car au niveau attentionnel on n’arrête pas, donc je trouve ça très bien. En SESSAD, je fais 45 minutes en général.

À partir de quel(s) signe(s) faut-il prendre rendez-vous avec un orthophoniste ?

J’ai envie de dire, quand on s’inquiète il faut d’abord en parler à son médecin parce que généralement les parents ne s’inquiètent pas pour rien, il faut se faire confiance. Sinon oui, il peut y avoir des signes d’appel, lorsqu’un enfant ne réagit pas quand on lui parle, un enfant qui ne rentre pas en communication, qui est tout le temps replié sur lui même, un enfant qui ne dit pas “je” à 3 ans, qui ne fait pas de phrases, qui n’utilisent pas de pronoms, à trois ans c’est déjà un peu tard.

Donc à 3 ans, si notre enfant est comme vous le décrivez, il faut consulter ? 

Oui, il est bien de consulter.

C’est à 3 ans que tout se passe en fait ?

Pour d’autres choses ça peut être avant, un enfant qui ne rentre pas en communication, qui est tout le temps replié sur lui même, à deux ans on s’en rend compte et là on peut craindre un TSA donc là il faut consulter.

Mais pour les adultes ça se passe comment ?

C’est différent, comme je le disais tout à l’heure c’est soudain, suite à une maladie ou à un traumatisme crânien, un  AVC. Quand c’est une maladie dégénérative c’est pas la même chose car c’est progressif, mais souvent leur entourage leur dit “oh la la, tu oublies tout, je ne comprends rien à ce que tu dis, tu cherches tout le temps tes mots », Ce sont des signes d’appel classiques. 

Comment est-il possible d’aider son enfant à la maison ? Avez-vous des petits conseils à partager ?

Le plus important à la maison c’est ce que nous on appelle le “bain de langage”, il faut absolument parler à son enfant. Lui parler de tout, tout le temps, en utilisant un langage normal, ordinaire, ne pas parler “bébé”. On ne va pas faire dodo, on va se coucher. C’est très important de décrire ce que l’on est en train de faire. “Là, tu vois je découpe les courgettes, pour les mettre dans la poêle avant de les faire cuire.” D’où le terme “bain”, l’enfant est baigné dans le langage, c’est en écoutant qu’il apprend. Plus on lui parle, plus il apprend, c’est logique.

Ça vous arrive de conseiller des matériels ou des activités à faire à la maison ?

Oui, dans le commerce on retrouve plein de jeux intéressants, les livres aussi. Regarder avec les bébés des imagiers. Mais ce que je recommande le plus c’est le “bain de langage”.

J’adore, j’apprends énormément de choses ! Faut-il s’inquiéter si un parent, un enseignant ne comprend pas un enfant ?

Tout dépend de l’âge de l’enfant, on va dire qu’à partir de 3 ans, il ne faut pas s’inquiéter mais il faut rester vigilant, en parler autour de soi, si c’est comme ça partout ou seulement avec un individu, seulement avec la famille ou aussi à l’école.

Il faut garder en tête que 3 ans c’est un peu le repère ?

Disons, qu’à 3 ans, l’enfant est censé se faire comprendre et réaliser des phrases construites.

Vous travaillez avec des groupes d’enfants ou seulement individuellement ?

En libéral, c’était seulement en individuel mais maintenant je fais les deux, j’anime un groupe thérapeutique où il y a 7 jeunes.

Ce sont les mêmes activités pour les deux ?

Du tout, il faut prendre en compte l’effet de groupe, par exemple, mon groupe est composé de 7 jeunes de 10 à 11 ans qui ont tous des troubles des apprentissages sévères et des troubles d’attention sévères aussi. Sur 7, deux ne sont pas lecteurs, les 5 autres lisent mais ne comprennent pas toujours ce qu’ils lisent. Chaque cas est unique.

C’est plus dur ? Ça vous demande encore plus d’attention ?

C’est plus dur mais je ne le fais pas seule, je l’anime avec une collègue neurophysiologiste. C’est chouette de préparer les séances ensemble, nous nous apportons beaucoup l’une, l’autre, on s’entend bien, c’est très agréable.

Vous travaillez plus de choses, c’est encore plus complet !

Oui c’est ça, les enfants se rendent compte qu’ils ne sont pas tout seuls à avoir du mal, ne pas savoir lire à 11 ans, à avoir honte, c’est ça l’avantage des groupes. Quand un enfant propose une bonne solution, je pense qu’ils s’en souviendront toujours mieux si c’est le copain qui le dit plutôt que l’orthophoniste. C’est principalement pour ça que je suis partie en salariat, pour travailler avec d’autres professionnels et en groupe.

C’est essentiellement pour ça que vous êtes partie ?

Oui, mais aussi car je ne supportais plus trop l’isolement du libéral. En plus de cela, nous avons des cas de plus en plus lourds en libéral. Il n’y a pas assez de place dans les structures alors les familles se retournent vers les libéraux mais nous sommes seuls dans nos bureaux alors que là je travaille avec des kinésithérapeutes, des neuropsychologues, des ergothérapeutes, ça aide beaucoup.

La journée de l’orthophonie ça vous évoque quoi ?

C’est fou parce que ça ne fait pas trop longtemps que je suis au courant de cette date. Je ne sais pas si c’est nouveau (depuis 2006 NDLR) ou juste qu’on n’en parlait pas assez, mais je suis au courant depuis 3 ans. Si cette journée peut aider à faire connaître la profession, pourquoi pas. Avant on n’en parlait pas.

C’est peut être parce que depuis quelques temps les personnes portent un réel intérêt à ce sujet. D’ailleurs, avez-vous une histoire à nous raconter ? Une anecdote ?

Un jour, je jouais avec un petit garçon qui avait des difficultés de langage, qui connaissait très peu de mots et dans une histoire on rencontre le mot “crépuscule”, je lui demande ce que cela signifie car je sais qu’il ne sait pas et là il me dit “bah je sais, c’est trop facile, c’est une crêpe minuscule”, il faut savoir que dans l’histoire la dame faisait des crêpes. J’ai trouvé ça trop mignon.

Vous vous attachez aux enfants je suppose ?

Ah oui et eux aussi! Ça va dans les deux sens, mais c’est pareil avec les adultes!

Est ce qu’au début  c’est compliqué pour eux de venir vous voir et à la fin compliqué de vous quitter ?

Non je ne pense pas que ce soit horrible pour eux, mais je ne pense pas que ce soit dur de me quitter non plus. L’orthophonie c’est les prises en charges qui durent longtemps et lorsque ça s’arrête c’est bien aussi, ça veut dire que c’est bon ils savent faire tout seul. Il ne faut pas oublier que cela peut être contraignant car ça se passe le mercredi, donc ils ne peuvent pas jouer, ils ne se reposent pas…  Lorsqu’ils viennent,, ils ne s’en rendent pas compte, ils ne savent pas ce qu’ils vont faire chez l’orthophoniste, on les emmène car souvent c’est la maîtresse qui le dit, ils ne savent pas où ils arrivent, qui ils vont rencontrer, d’ailleurs ils sont souvent intimidés lors des bilans.

C’est principalement les professeurs qui recommandent l’orthophonie?

Oui, surtout pour les troubles de l’apprentissage. Pour les autres troubles plus médicaux c’est l’entourage ou les médecins.

C’est un rendez-vous par semaine ?

Ça dépend, c’est le plus fréquent, mais je trouve que dans des situations ça ne suffit pas, c’est mieux quand c’est plus intensif et dans le temps c’est moins long. Surtout quand ils sont petits car d’une semaine sur l’autre ils vont oublier donc c’est mieux de les voir plusieurs fois par semaine. Dans les phases aiguës après les AVC aussi, pour les aphasiques, c’est bien aussi de les voir fréquemment.

Pourquoi c’est si compliqué d’obtenir des rendez-vous avec les orthophonistes ?

Nous ne sommes pas assez nombreux, la sécu cartographie la disponibilité des orthophonistes sur le territoire français et il ya plusieurs zones : zones sous dotées et très sous dotées, ce sont des zones où ils n’y a passez d’orthophonistes par rapport aux nombres d’habitants et dans ces zones il n’est pas rare que le temps d’attente soit de 2 ans pour un rendez vous en libéral… dans les structures c’est encore pire. Deux ans d’attente c’est énorme surtout pour un jeune enfant ou pour des pathologies urgentes.

Ça s’aggrave sinon je suppose ?

Voilà, en orthophonie on a peu d’urgence ce n’est pas comme la médecine générale mais il y a quand même des pathologies où il faut agir le plus vite possible comme par exemple à la suite d’un AVC, la dysphasie chez l’adulte, le bégaiement chez l’enfant, si on n’agit pas vite ça risque de se chroniciser. Il faut savoir que les écoles recrutent en fonction du nombre qu’elles ont le droit de former. Je pense que lorsqu’on est jeunes diplômés, on a tendance à s’installer dans les zones très urbaines, ce qui fait que dans les zones rurales, il n’y a personne, donc pour ces familles là, c’est compliqué et décourageant. Pour nous aussi ce n’est pas facile de faire attendre quelqu’un, j’ai déjà eu honte de dire “j’ai 18 mois d’attente”. C’est tellement devenu un phénomène connu que maintenant les familles essaient de se débrouiller par elles-mêmes. C’est pour ça que c’est très intéressant d’avoir des endroits sur internet où il est possible de se renseigner, en attendant la première consultation. 

Déjà, on n’oublie pas que la clé c’est le “bain de langage” !😂

Oui, mais pour certaines pathologies malheureusement ça ne suffira pas. C’est un problème qui dépasse l’orthophonie ce qu’il se passe. C’est comme ça pour plein de professions malheureusement.

Comment faut-il faire pour obtenir un rendez-vous ?

Le plus classique c’est d’appeler les cabinets mais c’est très rare de repartir avec un rendez-vous… Je vous recommande de vous inscrire sur des listes d’attente, on vous pose quelques questions sur les difficultés que présente l’enfant ainsi que vos disponibilités (jour, heure…) et ensuite vous êtes inscrit et vous recevez un délai approximatif d’attente. De plus en plus d’orthophonistes sont présents sur des sites comme Doctolib.

Connaissez-vous des personnes dans votre entourage qui ont des troubles ? Est-ce que vous les aidez ?

Oui, mais je ne l’aide pas, il est déjà suivi depuis plusieurs années. En revanche, j’ai déjà fait passer des bilans à certains enfants de mon entourage qui n’arrivaient pas à trouver de rendez-vous.

Merci beaucoup, je suis ravi d’avoir eu cette chance et cette opportunité de vous avoir interviewée et au passage d’en avoir appris davantage sur le métier et sur ce sujet, c’était très enrichissant. J’espère que nous aurons permis à nos lecteurs de comprendre plus de choses sur l’orthophonie. Merci d’avoir pris le temps de répondre à toutes mes questions et d’avoir peut-être donné la chance à certains parents ou enseignants d’avoir des réponses aux leurs. À bientôt ! 🩺👥📝